Observateur hors pair, doté de capacités cognitives et de facultés d’adaptation remarquables, un corvidé est déjà familiarisé à l’humain et au milieu anthropisé au bout d’une quinzaine de jours. Un spécimen sauvage blessé associera par exemple très vite nourriture et soulagement à son soigneur et sa méfiance naturelle vis-à-vis de l’humain s’en trouvera amoindrie – ce qui impacte aussi la relation aux congénères et peut aller jusqu’à l’exclusion du groupe.
Pour peu qu’un jeune ait été accueilli, nourri et traité en membre de la maisonnée par ses « sauveurs » en pleine phase critique de son développement (une phase critique peut être comparée à une fenêtre ouverte laquelle serait fermée le reste du temps selon G. Bateson), alors il s’agira non plus d’habituation ou de simple familiarisation mais de phénomène d’empreinte ou d’imprégnation progressive (l’imprégnation vraie définie par K. Lorenz est soudaine, indépendante de l’exposition répétée et survient très précocement). Les spécimens imprégnés sont de prise en charge complexe, au cas par cas, selon leur degré d’imprégnation. Si aucun cas n’est jamais désespéré, les troubles du comportement sont fréquents (parade nuptiale à l’humain, néophobie, angoisse de séparation, auto-mutilation…) et les chances de relâche très minces.
Aussi aucun corvidé ne devrait-il être brutalement relâché (hard release) après une période de captivité.
Au Centre, les oiseaux sont évalués individuellement (anamnèse, fiche de suivi, observation et tests) et suivent un parcours qui les conduit de l’intérieur (éleveuse et/ou caisse-box puis volière) vers l’extérieur, en volière de ré-ensauvagement.
L’oiseau nourrit à la main x fois par jour verra la nourriture mise à sa disposition remplacer un repas/jour puis deux et ainsi de suite. Il apprendra d’abord à manger seul puis à devoir « gagner » sa nourriture en trouvant des astuces pour la saisir.
Enfin il apprendra à chasser et attraper des insectes. L’objectif à terme est que l’association homme-nourriture soit rompue, de même que les interactions suscitées à chaque occasion alimentaire. A cet effet, deux parois de la volière de réensauvagement sont équipées de panneaux occultant (pas de vue sur les bâtiments, les activités humaines, vue dégagée sur la nature environnante) de façon à pouvoir approcher sans être vu et à passer la nourriture par une trappe.
Les apprentissages sont facilités socialement, les oiseaux étant mis en présence de congénères dont ils tirent des enseignements par simple observation. L’expérience indirecte puis directe est favorisée par coprésence et coaction avec des sujets plus avancés (âges, niveaux de réensauvagement).