UN GOUVERNEMENT CORVICIDE 

La liste noire du gouvernement relative aux « espèces pouvant occasionner des dégâts » (ex-nuisibles) est dans les tuyaux. Au terme d’une consultation publique ouverte jusqu’au 27 juin, sauf modification du projet d’arrêté déjà validé par l’ONCFS, quatre espèces de corvidés y figureront. Un arrêt de mort pour la pie, le geai, la corneille et le corbeau freux. Ils pourront être détruits par tir ou par piégeage, mesure qui s’additionne à plus d’un million/an de corvidés victimes de la chasse.

Tout en leur reconnaissant un rôle « important dans les écosystèmes » (sic!), le futur arrêté prévoit d’étendre le droit de destruction de la pie et du geai à 8 nouveaux départements (/arrêté de 2015) et d’autoriser la destruction de la corneille noire et du corbeau freux sur presque tout le territoire national. Une hérésie quand on sait quels rôles jouent ces oiseaux notamment pour les agriculteurs et pour la santé publique. 

Corneille et pie sont par exemple des alliés dans la lutte contre les campagnols, ce petit rongeur qui se goinfre des futures récoltes et vis-à-vis duquel il conviendrait de favoriser les mesures de prédation naturelle. Auxiliaires naturels de prévention, corneilles et pies sont incomparablement moins nuisibles que le Bromadiolone, ce puissant raticide anti-coagulant répandu dans les campagnes. Un produit écotoxique dont l’ingestion accidentelle est la seconde cause d’intoxication, mortelle en l’absence de traitement, chez nos compagnons les chiens. De plus la lutte chimique contre les populations de campagnols privant les corneilles et les pies d’une source alimentaire habituellement abondante, ces dernières se reporteront d’autant plus facilement sur les cultures et les élevages (la souplesse de leur comportement alimentaire le leur permet). Autrement dit, on contribue à produire les dommages aux cultures et aux élevages que l’on dénonce et qui justifieraient ensuite la destruction de ces oiseaux.
 
Le geai des chênes ? Un jardinier qui assure le renouvellement des forêts en sélectionnant les meilleurs glands (à maturité, non parasités) et en les enfouissant dans le sol pour les manger plus tard. Et ainsi de suite…

Au lieu de cohabiter, on les détruit. Désormais la pie est en déclin dans les campagnes. Son exode de la campagne vers la ville, plus « safe » pour elle, s’explique au regard de la persécution dont elle est l’objet. En oiseau intelligent qu’elle est, elle s’adapte. Le corbeau freux, lui, protégé par certains de nos voisins européens, a vu ses effectifs baisser en France de 41% entre 1989 et 2013[i]
Mais voilà : il suffit de 10.000€ par an et par département de dégâts attribués à une espèce OU de la présence de plus de 500 individus de ladite espèce dans un département pour figurer sur la liste noire. 10.000€ de dégâts ou 500 individus par département, est-ce une pression insoutenable ? Quel coût représentent les raticides, les anti-limaces et autres biocides dans les charges d’une exploitation ou dans celles des collectivités territoriales ? Pourquoi ne pas considérer les prélèvements effectués par les corvidés sur les semis par exemple comme une charge d’exploitation normale ? 
 
Crow Life s’oppose à l’adoption du projet d’Arrêté et demande sa modification dans le sens du déclassement des corvidés en tant qu’espèces pouvant occasionner des dégâts, considérant notamment :
 

  • l’absence de mesures de contrôle relatives à la mise en œuvre d’alternatives préalablement à la destruction ;
  • la délégation du droit de destruction à des personnes morales favorisant l’émergence de quasi professionnels du corvicide ;
  • la faiblesse d’évaluation des dégâts attribués aux corvidés ; 
  • les perspectives positives de la gestion intégrée des populations tant pour les collectivités territoriales que pour les activités agricoles ; 
  • le fait que les prélèvements effectués par les corvidés peuvent être maintenus en dessous du seuil auquel les rendements sont négativement et significativement impactés[i];
  • l’éco-participation de ces espèces à la régulation des populations de petits rongeurs et invertébrés

En conclusion, ce projet d’arrêté est en décalage total avec la situation d’effondrement de la biodiversité et la nécessité de repenser un modèle agricole mettant  en danger l’homme et la nature.
Economiquement comme dans l’intérêt de la santé publique, de la faune et de la flore, les corvidés sont nos alliés. Nous comptons sur chacun pour demander la refonte du projet d’Arrêté et pour nous aider à stopper ce corvicide. 

Pour participer à la consultation publique et faire entendre votre opinion :  

http://www.consultations-publiques.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/2019-06-06_arrete_especes_susceptibles_occasionner_degats_2019.pdf
 
NB : ne pas oublier de demander la modification du projet d’arrêté et le déclassement des corvidés parmi les espèces pouvant occasionner des dégâts.