Présence de corvidés en ville : des tirs d’effarouchement visant les nids autorisés et organisés par une municipalité du Grand-Est
Bar-le-Duc, le 17 mars. Un agent municipal intervient plusieurs fois par semaine pour effaroucher
les corbeaux. Mais, ces oiseaux particulièrement intelligents savent le repérer. PHOTOPQR/L’Est
Républicain/Jean-Noël Portmann
Les tirs sur les nids d’oiseaux, fut-ce sur des nids de corvidés jugés ‘’indésirables’’, sont interdits par le droit européen (Directive Oiseaux) comme par le droit français. Présentés comme une solution non létale, des tirs d’effarouchement au fusil utilisant des fusées crépitantes ou détonantes sont néanmoins mis en œuvre pendant la période de nidification (mars à juin) par des collectivités territoriales. Ainsi à Bar-le-Duc dans la Meuse, les opérations viennent-elles de débuter et elles dureront une quinzaine de jours . À raison de trois séances de tirs quotidiennes, malgré la résistance et les stratégies que les corvidés adultes opposent pour tenter d’échapper au harcèlement dont ils sont victimes, les nids finiront par être désertés. En 2022, une centaine de nids furent déjà « récupérés » par ce moyen.
Pour Crow Life, il est faux de prétendre que c’est une solution non létale ! Les tirs d’effarouchement épargnent certes les adultes mais en période de nidification ils font des victimes : les oisillons à naître. Pour le Corbeau freux dont le déclin des populations en Europe et en France est à souligner, ces tirs d’effarouchement ciblant les nids contribuent au phénomène puisque l’espèce ne se reproduit qu’une fois par an, sans couvée de la seconde chance.
Quid des BB corvidés dans l’œuf ? La pratique fait fi de la vie embryonnaire aviaire, de la perception et de la réaction au danger de l’oisillon dans l’œuf. Une réaction scientifiquement démontrée, de même que la communication entre embryons d’une même couvée, d’œuf à œuf au sein du nid : en réponse à une menace de prédation, un œuf puis tous les œufs se mettent à vibrer (Mariette M.M. et Buchanan K.L., 2019). Générateurs de stress et de détresse animale, ces tirs ciblant les nids sont aveugles à la souffrance qu’ils provoquent immanquablement car, à un certain stade de développement de la vie embryonnaire, le développement du tube neural est suffisant pour que les oisillons dans l’œuf éprouvent de la souffrance. Les nids désertés, les embryons souffriront une lente agonie puisque le sac vitellin (le jaune d’œuf) continuera de les nourrir et que quelques heures d’ensoleillement, des températures plus clémentes dans la journée les réchaufferont mais la chaleur insuffisante aura finalement raison de leur lutte pour la vie. Ils y succomberont.
Exagération ? La perception de la douleur par l’embryon aviaire est l’objet d’un large consensus dans la communauté scientifique, motif pour lequel dans l’enseignement et la recherche aux États-Unis par exemple, une réglementation stricte s’applique aux œufs : avant le premier jour de vie embryonnaire (< 80% du délai d’incubation), ils sont détruits par refroidissement prolongé (-4°C pendant 4 heures) ou par congélation (-20°C). Au-delà du premier jour de vie embryonnaire, les poussins dans l’œuf sont traités comme des poussins nouveau-nés et euthanasiés. Dans d’autres pays anglosaxons, des recommandations similaires s’appliquent aux opérations de destruction par piégeage (ce dernier n’en est pas plus acceptable pour l’association, se reporter à notre campagne contre l’utilisation d’appelants vivants et le piégeage) ce qui dénote une prise de conscience peinant à gagner la France (le décret interdisant le broyage des poussins mâles, applicable depuis le 1er janvier 2023, est limité à la filière œufs coquilles).
Crow Life demande aux élus de faire preuve de considération envers la vie prénatale : pas de tirs d’effarouchement en période de nidification-reproduction afin d’épargner les oisillons et de ne pas produire de la souffrance animale ! Surtout quand des solutions alternatives existent, conciliant protection de la vie animale et protection de la tranquillité des riverains.
À cet égard, un certain nombre de recommandations peuvent être faites :
– Sortir les corvidés de la liste des ESOD pour éviter l’effet report des populations persécutées en milieu agricole sur le milieu urbain ;
– Dissuader l’installation de dortoirs ou de sites de nidification par élagage des arbres avant le printemps (en tête de chat ou partiel, moins de branches = réduction du nombre de perchoirs et donc d’oiseaux, réduction du couvert végétal protecteur / intempéries) ;
– Identifier les facteurs favorisant l’installation des corvidés sur un site et agir de façon à diminuer son attractivité: réduction de l’éclairage nocturne, gestion des ordures, …
– Offrir aux oiseaux des espaces urbains et péri-urbains alternatifs ad-hoc (biologie et comportement de l’espèce / caractéristiques des sites), en aménager au besoin (des précédents) ;
– Définir les nuisances, réelles ou fantasmées, et le seuil d’intolérance des habitants (variables selon les quartiers, etc) afin d’y répondre concrètement au cas par cas et de faire bouger les lignes (des services et des avantages à la présence des corvidés, pas seulement des inconvénients) ;
– …
L’association est prête à étudier avec les collectivités territoriales, au cas par cas, les solutions alternatives envisageables et les moyens de leur mise en œuvre. Contacter Crow Life par courriel.
Sources consultées et crédit photo :
– http://actu.fr/…/bar-le-duc-relance-sa-lutte-contre-les…
– http://www.leparisien.fr/…/a-bar-le-duc-les-agents…