Six. Ils sont six à avoir été piégés. Probablement ont-ils cherché à sortir mais la place était sans issue. Probablement la fatigue et le découragement sont-ils venus à bout de leurs vaines tentatives. Alors l’attente a commencé. L’attente de quoi, ils ne le savent pas. L’odeur de la terre, la vue des champs et du ciel… c’est leur univers familier. Ils sont encore de ce monde, de leur monde. Mais des hommes sont venus qui les ont emmenés loin de leur milieu naturel, en ville. Leur voix, les bruits de portière et de la circulation, les odeurs… Les six se tassent au fond de leur cage. Puis c’est le coffre que l’on ouvre, un coin de ciel entraperçu et la cage qui tangue au rythme des pas qui martèlent le bitume. Un arrêt. Une porte vitrée. Un échange de voix et les pas reprennent qui débouchent enfin sur un grand espace. Ni terre, ni ciel ici. Des humains. Des voix qui enflent, des cris et soudain la porte de la cage s’ouvre… L’espoir fou. Les six détalent, les uns à tire d’ailes, les autres de leurs courtes et puissantes pattes. Où aller ? Par où sortir ? Quels repères trouver dans cet univers étrange et étranger ? La lumière peut-être. Mais déjà ils sont sur eux, essaient de les rattraper. Fuir et se cacher ou faire face et lutter ? Tout plutôt que l’horrible cage mais les dentures orange, les becs noirs et les toutes-griffes dehors constituent des armes bien dérisoires face à celles des hommes. Alors les six ont été refaits prisonniers. L’amphithéâtre où s’est déroulée leur capture par des policiers a retrouvé son calme : le public qui était venu assister à une projection-débat est rentré chez lui, sain et sauf malgré l’émotion. Ils étaient six. Quatre corvidés et deux ragondins. D’eux, personne n’a plus entendu parler. Des êtres vivants utilisés à des fins de lobbying.